retour au cross
Ce jeudi 11 novembre, j'ai retrouvé des sensations oubliées depuis 11 ans: j'ai
repris le cross, même si cela n'était pas dans les mêmes conditions qu’à l’époque.
J'avais oublié cet univers, cette ambiance.
A l'époque, je m'entrainais dans un club d'athlétisme et les cross étaient les
compétitions qui rythmaient notre calendrier pendant tout l’hiver.
Nous préparions activement chaque événement, avec des séances spécifiques
et une alimentation étudiée. Bref, une bonne hygiène de vie « à peu près »
correcte.
Le jour dit, quasiment toujours un dimanche, réveil tôt le matin. Après le
petit déjeuner avalé en écoutant son corps (surtout ne pas avaler quelque chose
qui pourrait nous donner mal au cœur), trajet et arrivée sur le terrain.
L’échauffement (20 à 30 minutes) est mis à profit pour repérer le terrain, choisir
la longueur de ses pointes (9mm si le terrain est correct, 12mm si le terrain
est bien gras), repérer des endroits où cela sera plus difficile, les éventuels
raccourcis ou pièges à éviter, l'endroit où attaquer etc
Puis échauffement musculaire avec la PPG, la montée en rythme cardiaque, de
sorte à arriver sur la ligne de départ avec un corps près à encaisser la
violence du départ. Juste avant, il aura fallu choisir sa tenue de course (selon
le temps), chausser ses pointes, attacher son dossard avec les épingles à nourrice, prendre un peu de sucre et bien s'hydrater.
Arrive le début de la course, qui commence par bien se placer sur la ligne
de départ: surtout ne pas se retrouver derrière, afin de ne pas subir le rythme
de ceux de devant ou ne pas se retrouver à subir le terrain car masqué par un
adversaire. On s'observe, on se jauge, chaque équipe se regroupe, on se
souhaite bonne chance.
Le fil élastique qui sert de sécurité en plus de la ligne blanche au sol se
tend. Le commissaire est en place, le pistolet est pointé vers le haut.
Pan ! Le commissaire a tiré en l'air. Ce coup de feu, qui m'arrêtait le cœur
à chaque fois, ordonne au cerveau d'activer les muscles. Le fil élastique se
détend (attention à ne pas se le prendre, ça fait très mal) et tous les
coureurs jaillissent. La meute s’élance, comme si on lui avait tiré dessus. Toute
la pression retombe et l'adrénaline est au top.
Les 200 premiers mètres se parcourent sans qu'on s'en rende compte. Il faut
ensuite savoir trouver son rythme: ne pas se carboniser tout de suite, mais
tenter d'attraper le bon wagon, car il est très dur de revenir en solitaire sur
un groupe par la suite. Une fois dans un bon groupe, il faut essayer de se
relayer avec les autres.
Le rythme est pris, on commence à raisonner tactique, à étudier les autres,
à tâter le rythme.
C'est aussi là où on se rend compte si le choix de pointes est le bon, si le
corps répond bien aujourd’hui ou pas.
Une course de demi-fond, c'est un rythme soutenu, mais un effort long. Mille
choses passent par la tête. Parfois, c'est le prochain repas, c'est ce qu'on
fera l’après-midi ou le soir (tranquille au chaud, à se reposer), mais en tout
cas souvent des choses agréables.
Le mental, c'est le plus important. Il faut bien sûr écouter son corps, mais
le souci avec le demi-fond, c'est qu'on ne peut pas forcément prévoir les
poings de côté ou les défaillances. Il arrive que l'on sente son corps à bout
de force. C'est là où la volonté et le mental nous font trouver des ressources
insoupçonnables.
Ce cross de reprise me l'a montré: mon corps n'était plus habitué à ces
longues courses, aux postures parfaites à avoir pour ne pas avoir les jambes qui soient trop dures ou qui grattent,
la tenue à adopter avec le haut du corps afin de ne pas avoir le diaphragme
trop contracté, utiliser ses bras dans les montées, relâcher son abdomen etc
etc
Et bien mon mental m'a aidé. Si je m'étais écouté, je me serai arrêté ou j'aurais
terminé en roue libre, mais non, j'ai réussi à retrouver des forces afin de ne
pas terminer en simple footing. Et incroyable, il se trouvait que mon corps
avait encore plein de ressources, ce qui m'a permis de courir 5 kilomètres de
plus à un rythme soutenu puisque j’ai gagné des places !
Le public est aussi très important. Même si cela vient d'une personne que
je ne connais absolument pas et qui me le dit de manière mécanique, ça fait du
bien d’être encouragé. Quand cela vient de gens que l'on connait, c’est
galvanisant et donne du peps.
Enfin lorsqu'il ne reste plus beaucoup de distance, c'est le moment où l'on
peut lâcher tout ce qui reste en nous. C'est incroyable cette sensation, où l'on
se sent plus spectateur qu'acteur de notre corps qui file, file, et qu'on ne
peut plus retenir. Les jambes s'activent de manière mécanique, enchainent, le
corps est rempli d'adrénaline mais est aussi ankylosé. Toute sensation est
atténuée, le plaisir vient de l'adrénaline car on sent la fin proche et on ne
calcule plus.
Souvent, on se retrouve à 2, voire 3 ou 4. C'est assez étrange ce phénomène,
mais on a absolument envie de terminer devant ces 2 ou 3 concurrents. Cela
aurait été d'autres concurrents (par ex celui qui est 30m devant ou derrière), cela
aurait été pareil, il FAUT terminer devant eux. S'ils n'avaient pas été là, on
aurait pu terminer tranquillement, mais là, non, il va falloir en découdre. Eux
aussi n'en peuvent plus, mais il donneront tout pour terminer devant nous. Alors
c'est le sprint, à l'issue incertaine, mais qui est le dénouement de 6 à 10
kilomètres d'efforts.
La ligne d'arrivée se profile, on l’atteint, ça y est, c’est terminé. Il ne
faut surtout pas s'arrêter net, sous peine de vomir immédiatement (les
changements de rythme trop soudains..). Cela arrive souvent d'ailleurs. On n'a
plus aucune force, le moindre appui sert pour soutenir le corps fourbu. Les
gens à l'arrivée sont là pour nous soutenir, nous retirent le dossard, nous
couvrent, et ont souvent une barre énergétique à nous fournir.
C'est la fin. On a la satisfaction d'avoir accompli ce qu'on pouvait faire
de mieux. Après avoir repris des forces (boisson, manger), s'être mieux couvert,
avoir refait la course, il s'agit de faire un footing de décrassage afin d'éliminer
l'acide lactique emmagasiné dans les muscles. Un étirement long et cela ira
mieux le lendemain. On regarde alors le parcours avec fierté, content de l'avoir
vaincu.
Ce 11 novembre m'a fait du bien, vraiment, même si le temps a été exécrable
(temps venteux, pluvieux, terrain très glissant et humide).
Bref, à refaire l'année prochaine ?